LIndex de Pression Systolique : Détermination et intérêt?
L'index de pression systolique (IPS) peut faire partie de lexamen clinique en étant muni dun Doppler de poche. Il a deux intérêts : détecter une Artériopathie Oblitérante des Membres Inférieurs (AOMI) le plus précocement possible et indiquer un risque accru de morbi-mortalité cardiovasculaire. En labsence de symptôme, un IPS < 0,90 signe une AOMI asymptomatique et indique un risque daccident cardiovasculaire inversement corrélé à sa valeur.
Mis au point il y a plus de 40 ans (1), lindice de pression systolique (IPS) suscite un regain dintérêt depuis quelques années. LIPS est le rapport de la pression systolique à la cheville sur la pression systolique humérale,mesurées à laide dune sonde Doppler de poche (Doppler portable).
Un IPS inférieur à un seuil de 0,90 signe lexistence dune AOMI, avec une sensibilité de 95 % et une spécificité proche de 100 %.
LIPS permet de détecter précocement une AOMI
Lintérêt de la mesure de lIPS est de détecter une AOMI le plus précocement possible à un stade souvent asymptomatique, soit parce que le symptôme claudication deffort ne sest pas encore extériorisé chez un patient mobile, soit parce que le patient, pas assez mobile, a un périmètre de marche insuffisant pour quil se déclenche. La douleur peut aussi ne pas sexprimer en cas de neuropathie associée (diabétique ou non). Les formes asymptomatiques dAOMI voient donc leur fréquence augmenter avec lâge.
LA MESURE DE LIPS |
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Patient en décubitus dorsal, au repos depuis plus de 5 minutes. IPS = PAS cheville / PAS humérale : 120 / 150 = 0,80 |
Voir ici la Vidéo : Mesure de la Pression distale
Pourquoi détecter précocement une AOMI ?
Pour mesurer un risque
Risque local
Le niveau de lIPS est corrélé avec la sévérité de lartériopathie. Plus il est bas, plus le retentissement de lAOMI est grave.
Interprétation clinique de la mesure de lIPS
Détecter une AOMI a donc un intérêt local : par exemple, un patient âgé, qui à la suite dune pathologie aiguë se trouve alité ou immobilisé, est un sujet dont le risque descarre est accru. Pour autant, on ne saurait dramatiser ce risque : à titre dexemple, moins de 10 % de sujets avec une claudication intermittente feront une ischémie critique dans les 5 ans.
À noter quun IPS trop élevé(>1,3) a aussi une valeur péjorative.
Risque surtout général
Détecter une AOMI a surtout un intérêt général. Avoir une AOMI témoigne dune artériosclérose et signe un risque accru de morbi-mortalité cardio et cérébrovasculaire. Cela a été démontré chez les sujets claudicants qui, à 5 ans, ont un risque denviron 30 % de faire un accident coronarien ou vasculaire cérébral (une fois sur trois létal) (2).
Cela a été aussi mis en évidence avec le paramètre IPS. Ainsi, une étude récente sur un suivi de 12 ans de presque 1 600 sujets de 55 à 75 ans a permis de démontrer (3) que plus lIPS est abaissé, plus la morbi-mortalité cardiovasculaire est élevée. On ajoutera quun IPS franchement augmenté (> 1,30) constitue alors un marqueur indépendant de risque cardiovasculaire et a la même valeur péjorative quun IPS < 0,90.
Pour réduire le risque de morbi-mortalité vasculaire
La mise en évidence dune AOMI indique une morbidité cardio et cérébrovasculaire accrue qui peut être réduite par une trithé,rapie médicamenteuse associant : antiagrégants plaquettaires, statines,Inhibiteurs de lEnzyme de Conversion (IEC). Dans la pratique, deux situations peuvent sindividualiser.
Il nexiste pas dautre localisation athérothrombotique connue
Soit le patient navait aucun traitement à visée cardiovasculaire et la trithérapie susmentionnée peut lui être logiquement proposée avec les précautions dusage. Soit, et cest plus souvent le cas, il est déjà traité pour une HTA ou une hypercholestérolémie, il sera alors légitime de lui adjoindre un antiagrégant plaquettaire voire une statine sil nen avait pas. Quant au traitement antihypertenseur, au cas où lHTA était insuffisamment équilibrée, ladjonction dun IEC au traitement antérieur est logique, en surveillant bien la créatinine lors de la mise en route.
Le patient a déjà une autre localisation athérothrombotique connue
Si tel est le cas, on sait que la mise en évidence de la seconde localisation athérothrombotique quest lAOMI double le risque de morbi-mortalité cardiovasculaire. Cela a été démontré par le registre REACH. Pour autant , lordonnance dun patient ayant déjà fait un accident coronarien ou cérébrovasculaire comporte, en règle générale, déjà la triade : antiagrégant-statine-IEC.
REGISTRE REACH |
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Il sagit dune vaste étude observationnelle mondiale de 55000 patients de plus de 45 ans souffrant dune maladie athérothrombotique, incluant une cohorte française de 3 514 patients. Sur 1 an de suivi, les patients ayant une atteinte polyartérielle ont eu un taux dévénements cardiovasculaires majeurs à 1 an passant de 11,7 % pour une atteinte athérothrombotique unique à 22,3 % pour deux localisations ou plus. |
La mise en évidence dune AOMI doit être un argument de plus en faveur dune observance sans faille. Mais elle ne modifie pas fondamentalement lordonnance à une réserve près : le fait que le praticien puisse être amené à remplacer laspirine par du clopidogrel, à la lumière de létude CAPRIE (4).
Sil sagit dun coronarien sous bêtabloquants, la mise en évidence dune AOMI nest (contrairement au syndrome de Raynaud) pas une contre-indication à cette classe médicamenteuse.
En pratique clinique, deux cas de figure se présentent
Soit un écho-doppler artériel est nécessaire
Le patient a déjà une autre localisation athérothrombotique connue
Dans trois types de situations
• En cas dischémie critique révélée par une douleur de décubitus ou un ulcère artériel, lécho-doppler artériel doit être obtenu en urgence.
• En cas de claudication intermittente, le diagnostic dAOMI est quasiment un diagnostic dinterrogatoire, les claudications neurologiques ayant une autre sémiologie.
• En cas dexamen clinique anormal des trajets vasculaires, le diagnostic dAOMI est sûr ou probable. Il est certain sil existe un souffle vasculaire (iliaque ou fémoral), un anévrisme ou une abolition dun pouls fémoral.
Il est presque certain en cas dabolition dun pouls tibial postérieur, probable/ possible en cas dabolition dun pouls pédieux.
Le patient a déjà une autre localisation athérothrombotique connue
La détermination de lIPS est alors effectué par lexminateur
De toute façon, dès le moindre doute, un écho-doppler des membres inférieurs est réalisé pour confirmer le diagnostic et faire un bilan des lésions artérielles en appréciant leur topographie et en évaluant leur degré de sténose.
La mesure de lIPS est alors demandée à lopérateur (Elle devrait faire partie de tout examen des membres inférieurs...). Elle confirmera le diagnostic et contribuera à apprécier le degré de gravité de lischémie (surtout en cas dischémie critique).
Soit un écho-doppler artériel ne simpose pas
Le patient est asymptomatique et lexamen clinique des trajets vasculaires ne révèle aucune anomalie. Pour autant, et même sil sagit dun patient mobile sans claudication, une AOMI asymptomatique est possible.
Comme de nombreuses pathologies, la prévalence de cette pathologie augmente avec lâge. On estime que lAOMI concerne plus de 10 % des personnes de plus de 70 ans et plus de 20 % des personnes âgées de plus de 75 ans. Faut-il pour autant dépister systématiquement lAOMI chez toute personne âgée et, si oui, à partir de quel âge ?
Il ny a en létat actuel de nos connaissances aucun argument en faveur dun dépistage systématique par le praticien, muni dun Doppler de poche permettant lévaluation de lIPS. Il est toutefois possible de raisonner en termes de populations à risque.
Quand le praticien peut-il mesurer lIPS ?
Dans le cadre dune hospitalisation
Détecter une AOMI de principe apparaît utile chez les patients âgés hospitalisés quelle que soit la cause. On peut ici se référer à létude ELLIPSE qui a trouvé près de 42 % de patients âgés hospitalisés avec un IPS pathologique.
On peut donc imaginer que lutilisation du Doppler de poche puisse être systématisée au cours de lhospitalisation de tout sujet âgé.
ÉTUDE ELLIPSE |
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Cette étude épidémiologique, observationnelle, multicentrique, menée en France sur 6 mois en 2007 sur plus de 2 000 malades hospitalisés tout venants de plus de 55 ans et dâge moyen 73 ans et sans AOMI connue a trouvé 42 % de sujets avec un IPS < 0,90 (4 % avec un IPS < 0,50, 12 % avec un IPS entre 0,50 et 0,70, 26 % avec un IPS entre 0,70 et 0,90), et 3 % de sujets avec un IPS ≥ 1,30. |
Et en ambulatoire ?
Détecter de principe une AOMI en suivi ambulatoire apparaît raisonnable chez des sujets :
• ayant un antécédent coronarien ou cérébrovasculaire, ce qui est étayé par le registre REACH qui retrouve une AOMI chez plus dun quart des coronariens et plus dun tiers des cérébrovasculaires ;
• ayant au moins un facteur de risque vasculaire connu comme une HTA ou une hypercholestérolémie et avec une mention particulière pour le tabagisme et un diabète évoluant depuis une dizaine dannées ;
• ayant une neuropathie périphérique (diabétique en tête) qui peut abolir toute douleur deffort.
En conclusion
Lexamen clinique, en particulier chez la personne âgée, est souvent grevé de faux négatifs. La technologie vient souvent au secours du médecin en proposant des mini examens complémentaires au lit du patient qui constituent un véritable prolongement de lexamen clinique : ECG, glycémie capillaire, bandelette urinaire, saturomètre...
Le Doppler de poche évaluant lIPS est un autre exemple de ces examens très utiles qui pourraient être plus souvent réalisés.
Références
1. Carter SA, Lezak JD. Digital systolic pressures in the lower limb in arterial disease. Circulation 1971 ; 73 : 905-914.
2. Norgren L, Hiatt WR, Dormandy JA, Nehler MR, Harris KA, Fowkes FG; on behalf of the TASC Il Working Group. Inter-Society consensus for the management of peripheral arterial disease (TASC II). J Vasc Surg 2007 ; 45(Suppl 1) : S 5-67.
3. Lee AJ et al. Improved Prediction of Fatal Myocardial Infarction Using the Ankle Brachial Index in Addition to Conventional Risk Factors. The Edinburgh Artery Study. Circulation 2004 ; 110 : 3075-3080.
4. CAPRIE STEERING COMMITTEE. A randomized, blinded trial of Clopidogrel versus Aspirin in Patients at Risk of Ischemic Events (CAPRIE). Lancet 1996 ; 348 : 1329-1339.
Daprès un article du Dr Y. KAGAN (Fondation Rothschild) publié en ligne par le Journal International de Médecine.
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