Selon les chiffres communiqués par la chaine ARTE, la récente émission titrée Cholestérol : le grand bluff a été vue par 1,4 millions de téléspectateurs. Parmi eux, combien de patients sous statines ? Et combien de médecins, généralistes, cardiologues, endocrinologues, doivent aujourdhui prendre le temps supplémentaire de répondre aux questions qui leur sont posées et qui dailleurs, sen posent peut-être eux-mêmes aussi.
La Société Française de Cardiologie ne pouvait rester silencieuse. Voici les principaux éléments son communiqué : un rappel historique des faits.
Années 50 : Naissance dune épidémie
Après la deuxième guerre mondiale, la communauté médicale constate des taux très élevés de maladies cardiovasculaires dans tous les pays occidentaux. Des centaines détudes épidémiologiques mises en place dans ces pays, dont la France, mettent clairement en cause quatre facteurs de risque majeurs : le tabagisme, le taux élevé de cholestérol (hypercholestérolémie), lhypertension artérielle et le diabète. Restait encore à réaliser les études montrant que le risque cardiovasculaire comme neurovasculaire pouvait être diminué lorsquon traite les facteurs de risque et notamment lexcès de cholestérol.
Années 70 : La controverse du cholestérol
Il y a plus de 20 ans, des scientifiques [1,2] ont mis en doute la relation entre cholestérol élevé et maladies cardio-neuro-vasculaires, en sappuyant sur les résultats détudes de traitements anciens (fibrates) diminuant peu les taux sanguins du mauvais cholestérol (le LDL-cholestérol). Par la suite, cette controverse na pas été confirmée par les nombreuses études incluant des participants à LDL-cholestérol élevé et recevant les traitements modernes de lhypercholestérolémie, les statines.
Années 90 : La révolution des statines
Les statines diminuent de manière spectaculaire le LDL-cholestérol, avec des effets indésirables le plus souvent bénins (risque rare dhépatite, crampes musculaires). Les premiers essais avec les statines ont été réalisés chez des patients ayant fait ou à risque dinfarctus du myocarde. Puis, leur utilisation a été généralisée à des sujets à risque élevé daccident coronaire ou cérébral, notamment hypertendus, diabétiques ou insuffisants rénaux. Les résultats ont été rassemblés dans plusieurs publications [3,4,5,6] et sont convergents et sans appel: les statines diminuent la mortalité totale en prévention primaire et en prévention secondaire [5].
Années 2000 : La fin de la polémique
Il ny a pas un seul médicament en médecine préventive qui ait un niveau de preuves defficacité aussi élevé que les statines. Les statines allongent lespérance de vie des patients à risque, diminuent les événements cardio-neuro-vasculaires (infarctus et AVC notamment) [7] et ont un risque deffets indésirables limité largement compensé pas lampleur des bénéfices. Nier le bénéfice des statines et leur impact sur lespérance de vie, c'est à la fois malhonnête (en niant les faits scientifiques) et dangereux (pour les patients qui de bonne foi arrêteront leur traitement). Nier les progrès thérapeutiques, porter la suspicion sur les médecins, cest aussi ignorer lamélioration incontestable du pronostic cardiovasculaire dans notre pays, la France, avec, pour exemple, une chute spectaculaire de 68 % en 15 ans de la mortalité hospitalière après infarctus du myocarde [8] et une baisse de 56 % en 28 ans de la mortalité cardiovasculaire [9].
Références
1 McMichael J. Diet and exercise in coronary heart-disease.
Lancet 1974;1:1340-1 ;
2 Davey Smith G, et coll. Should there be a moratorium on the use of cholesterol lowering drugs?
BMJ 1992;304:431-4 ;
3 Baigent C, et coll. Efficacy and safety of cholesterol-lowering treatment: prospective meta-analysis of data from 90,056 participants in 14 randomised trials of statins.
Lancet 2005;366:1267-78 ;
4 Mihaylova B, et coll. The effects of lowering LDL cholesterol with statin therapy in people at low risk of vascular disease: meta-analysis of individual data from 27 randomised trials.
Lancet 2012;380:581-90 ;
5 Collins R, et coll. Interpretation of the evidence for the efficacy and safety of statin therapy.
Lancet. 2016 Sep 8. pii: S0140-6736(16)31357-5.
6 Yusuf S, et coll. Cholesterol Lowering in Intermediate-Risk Persons without cardiovascular Disease.
N Engl J Med. 2016 May 26;374(21):2021-31.
7 O'Regan C, et coll. Statin therapy in stroke prevention: a meta-analysis involving 121,000 patients.
Am J Med. 2008;121:24-33.;
8 Puymirat E, et coll. Association of changes in clinical characteristics and management with improvement in survival among patients with ST- elevation myocardial infarction.
JAMA 2012;308:998-1006.
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